Marie Martinod : “Place aux jeunes !”

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Alors que la France est encore représentée à PyeongChang mais par le biais des athlètes paralympiques français, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Marie Martinod, vice championne olympique de ski halfpipe en Corée du Sud. Au programme, les JO, sa carrière, sa vie de famille, etc… Bref, une interview sans filtre à l’image de la personne. Tout est en dessous alors prenez la peine de lire, ça vaut le détour !


Parlons Sports : Bonjour Marie, tout d’abord comment se passe cette période post olympique ?

Marie Martinod : Et bien elle se passe bien merci. C’est beaucoup de sollicitations de la part des médias mais j’essaye d’être présente au maximum et d’être disponible pour tout le monde. Pourtant je suis pas encore en vacances car ma saison n’est pas finie. Donc je continue à m’entraîner, à faire de la préparation physique et puis je serais en Coupe du Monde dès lundi. 

PS : Justement, peux-tu nous parler un peu de ta préparation avant les Jeux ?

MM : Je pense que la préparation des Jeux tout le monde la fait à sa sauce. Après moi je dirais que ça fait une année que j’ai la tête dans le guidon par rapport à ça et puis ça devient vraiment l’événement en ligne de mire. Donc j’ai fait l’impasse sur des Coupes du Monde pour essayer d’arriver le plus en forme possible en février. Sinon c’était une préparation physique assez identique à celle que je fais habituellement pendant ma saison donc rien de particulier je dirais par rapport à ça. Par contre au niveau du ski, c’est clair qu’on a bossé un run qui pouvait être au meilleur niveau afin de viser le podium. Donc on a fait des choix cet été pour savoir ce qu’on allait présenter.

PS : Un petit retour sur le bilan de l’Equipe de France qui égale le record de médailles (15) de Sotchi (Russie). Sur le plan personnel, tu décroches une médaille d’argent (comme en 2014 à Sotchi). Contente de ce métal malgré la chute dans le dernier run ?

MM : Pour ce qui est de l’Equipe de France je suis ravie. J’ai fait le job. J’ai ramené la médaille qu’il fallait. C’était des beaux Jeux menés par Martin, qui est un type extraordinaire et du coup c’était chouette d’être derrière lui. Après me concernant, j’ai pas du tout de regrets parce que mon 2e run c’est vraiment le run que je rêvais de poser. Je l’avais encore jamais posé en compétition. Je pense que j’ai fait le plus beau ski de toute ma vie et réussir à prendre l’argent en étant à 500 % c’est juste magique. C’est un truc que tout le monde rêve de réussir à faire en tant qu’athlète. Donc je suis vraiment ravie. Je tombe sur le dernier run effectivement. On sait jamais ce que ça aurait donné si j’étais pas tombée mais je suis pas du genre à refaire l’histoire. Donc je me satisfait entièrement d’avoir réussi à faire deux podiums sur deux Olympiades dans un sport où le turnover est vraiment court et en étant la plus vieille du circuit.

PS : Qu’est-ce qui a fait la différence pour toi avec la Canadienne Cassie Sharpe ?

MM : Cassie est plus forte que moi donc techniquement elle a des tricks que j’ai pas. Donc je savais au départ qu’elle ridais super bien et que sur ce détail elle serait devant. Ça c’est implacable. Donc voilà elle a très bien ridé et il n’y a rien à dire. Elle tourne notamment un 900 à droite que moi j’ai pas donc voilà. Moi je suis peut-être plus propre avec des grabs plutôt doux. Donc on a chacune nos styles mais elle était meilleure que moi sur cette Olympiade et je lui tire mon chapeau. C’est l’avenir du ski. Elle a 21, 22 ans (et non Marie, elle en a 25 donc à la rigueur 21 + 4 ?) et je suis ravie qu’elle assure la relève.

PS : Nous souhaitions revenir avec toi sur ton 2e run. Tu avais dis devant la caméra au moment de recevoir ta note que les juges auraient pu faire un peu mieux. C’est-à-dire ?

MM : Et bien entre mon premier run et mon 2e run il y a très peu d’écart alors que personnellement je pense vraiment avoir “upgradé” mon run parce que je fais un 1080 en bas au lieu d’un 720. Donc je m’attendais à une meilleure note. Après en regardant les vidéos à tête froide, j’ai effectivement un 900 qui n’est pas super propre et je pense que c’est là dessus que je me suis faite épingler mais bon je m’attendais à avoir un petit point de plus quand même. Mais bon je ne suis pas juge et j’ai pas la prétention de l’être. Je ne suis pas du genre à discuter avec eux après la course. Donc voilà, ils ont fait leur boulot du mieux qu’ils pouvaient mais je n’ai rien à redire maintenant.

PS : Tu as déjà un beau petit palmarès (voir ci-dessous) et même si ce n’est pas fini, tu dois en être fière ?

PALMARÈS 

2 médailles d’argent aux Jeux Olympiques
1 médaille d’argent aux Championnats du Monde
2 médailles d’or et 2 médailles de bronze aux Winter X Games
2 globes en Coupe du Monde
6 médailles d’or et 3 de bronze sur les différentes épreuves de la Coupe du Monde

MM : Ce dont je suis fière c’est que mon ski a évolué et ce qu’il y a 15 ans me permettait de gagner une Coupe du Monde m’amènerait à faire 15e aujourd’hui. Donc je suis fière d’être toujours dans le haut du classement en ayant progressé et en ayant pu faire progresser mon sport. Après les médailles, les coupes, les globes c’est chouette mais je les collectionne pas. J’ai pas fait une armoire à trophée chez moi. Je suis vraiment contente d’avoir pu voir évoluer mon sport sur 15 ans et à rester en haut du classement.

PS : En 2007, à seulement 22 ans tu décides de mettre un terme à ta carrière pour te consacrer à ta famille. Mais en 2014, te revoilà sur le devant de la scène. Quelles étaient tes motivations ?

MM : J’avais décidé tout d’abord d’arrêter parce que j’avais plus envie de faire tout ça. Toutes les compétitions auxquelles j’avais participé, je les avais déjà faite plusieurs fois. Mais en 2012, j’ai appris que le CIO validait l’entrée du halfpipe parmi les sports olympiques. Donc forcément les Jeux c’est quand même la compétition incroyable que tout sportif rêve de faire. Je voulais au moins essayer de vivre ça un jour. Les JO je les ai vécu en 1992 à Albertville quand j’étais encore une gamine et c’était magique. Ca m’avait fait rêver. Donc l’idée de peut-être pouvoir y participer c’était un rêve, un gros kiff et c’est vraiment ça qui m’a fait rechausser les skis.

PS : En 2016, tu es lâchée par tes sponsors mais tu repars de l’avant grâce au soutien d’une entreprise française (La Fabrique du Ski). L’histoire ne peut être que plus belle maintenant après toutes les péripéties que tu as vécues ?

MM : Oui après quand tu te fais lâcher il y a toujours des raisons. Alors ça peut être parce qu’on est un produit marketing et que les lignes marketing changent et c’est ce qui m’est arrivé quand Wed’ze, la marque de ski de Décathlon, m’a lâchée. Il faut juste rebondir. Je pense qu’il ne faut pas garder de rancunes. On le sait, c’est comme ça. On est un faire valoir d’une marque donc à un moment donné si la marque décide de ne plus investir dans le sport de haut niveau c’est comme ça. Mais bon après j’ai trouvé quelqu’un avec qui travailler et c’est d’autant plus chouette parce que tu les emmène avec toi et tu leur propose un rêve olympique. Ils t’y emmènent, tu les emmène. On y va tous ensemble et c’est super chouette, d’autant plus quand ça se finit bien. Mais bon quand c’est une toute petite marque comme la Fabrique du Ski et que je sais ce que ça leur coûte en euros mais aussi en temps c’est magique. Il y a un supplément d’âme qui se crée. 

PS : Ton rapport vie de famille / compétition est assez particulier. Ça ne doit pas être simple à gérer tous les jours ?

MM : Nous ça fonctionne comme ça donc je sais pas. Faudrait poser la question à mon époux. Donc je le vis bien mais forcément moi j’ai le beau rôle. Je suis celle qui part à l’étranger faire des Coupes du Monde. Je suis celle qui a comme métier d’aller à la salle, de s’entraîner donc c’est pas non plus ce qu’il y a de plus désagréable. Donc de mon point de vue c’est assez cool. Après j’ai une maman qui est assez présente et qui me permet de prendre le relais quand je ne suis pas là. C’est une organisation. Je pense que c’est comme toutes les minettes qui bossent et qui ont des enfants et qui doivent gérer le travail et tout ce qu’il y a autour. Après je pense que je suis une maman assez disponible et c’est pas une organisation aussi démentielle que ça puisse paraître. 

PS : Cette relation avec ta famille nous a offert quelques images émouvantes lors du podium des peluches notamment mais aussi avant avec le calendrier que les enfants t’avaient fait.

MM : Oui je pense que c’était assez touchant pour les gens. Ca les rapproche de ce qui sont eux. Je suis une nana comme les autres. Oui, j’ai une petite fille de 8 ans et puis elle va à l’école et tout ces petits copains sont trop chou et on partage des moments ensemble. Je les emmène à la bibliothèque ou à la piscine. Donc voilà on se connaît bien et à un moment donné je suis allé aux Jeux Olympiques. Ça passe à la télé, tout le monde en parle donc voilà ils étaient trop contents qu’on partagent pleins de moments ensemble pour profiter de ça donc c’est chouette. Après on vit dans un monde où les sportifs, en tout cas ceux qui sont beaucoup médiatisé, ne veulent pas trop exposer leur vie. Ce que je peux concevoir mais bon moi c’est ma vie, c’est eux. Ils font partie intégrante de ma réussite. 

PS : On a remarqué que tu avais un certain caractère, une fraîcheur qui te permettait de t’exprimer naturellement même devant les caméras. Comment l’expliques-tu ?

MM : (Rires) Je ne sais pas. Je suis comme ça. J’aime la vie, j’aime les gens et puis il y a tellement de trucs qui nous arrivent en pleine face à longueur de journée sur la télé, à la radio… Des nouvelles attristantes et c’est vraiment déprimant. Du coup, je me dis que quand tu peux vivre des instants fun, être dans le feu de l’action et te marrer, faut vraiment pas s’en priver. D’autant plus aux Jeux et puis c’est particulier parce que la nénette qui couvrait les Jeux pour le freestyle : Claire Vocquier-Ficot pour ne pas la nommer et qui travaille depuis longtemps à France Télé. Donc elle me suis dans le freestyle et on se connaît bien. Je discute avec elle même s’il y a l’écran et qu’au travers d’elle je discute avec les Français et je me lâche parce que je suis comme ça. J’aime bien amuser la galerie. J’aime le sourire que les gens me renvoient. C’est plaisant et puis ça va… faut rigoler ! (rires)

PS : Tu es une maman comblée, une patronne sur les skis mais on voulait savoir la relation que tu avais avec les jeunes de l’Equipe de France comme Julia Pereira de Sousa Mabileau (16 ans), Tess Ledeux (16 ans) ou encore Perrine Laffont (19 ans)

MM : Il me font marrer. Ils sont ce que j’étais il y a… 15 ans mais en deux fois plus pro, en deux fois plus appliqués, en deux fois plus sérieux. Donc parfois je les taquine un peu en leur disant : “Hé ho faut rigoler un peu, faut vous lâcher quand même !”. Mais voilà je comprends qu’ils soient à fond dans leur truc parce que le sport s’est professionnalisé. Après je suis un peu une maman d’un autre côté quand ils viennent se confier, quand ils me posent des questions. Alors j’essaye de leur faire partager mon expérience. Je trouve que c’est hyper intéressant pour eux de partager tout ça comme moi j’ai pu avoir de grandes discussions avec une nana comme Ophélie David. Même si on dit que l’expérience des uns n’apporte rien aux autres, je pense qu’il y a beaucoup de sujets comme la gestion de ta carrière par exemple. Après elles prennent, elles prennent pas. J’espère que j’aurais eu une influence pour plus tard et j’espère qu’elles feront surtout cet effort de transmission auprès des petites jeunes quand elles arriveront à un stade avancé dans leurs carrières. En tout cas je trouve ça chouette de pouvoir apprendre et de refiler des tuyaux.

PS : Comment pourrais-tu essayer de donner envie aux jeunes de faire du sport et en particulier le tiens ?

MM : Alors moi mon sport c’est compliqué de le vendre parce qu’il faut soit habiter dans les montagnes, soit avoir la chance d’avoir des parents qui ont les moyens de t’emmener au ski… Donc j’ai bien conscience que c’est plus simple de faire du football ou du handball que du ski. Du coup, je vais pas pouvoir vendre mon sport parce que déjà je vais m’adresser à peu de gens mais pour ce qui est du sport en général je pense que c’est une super école de la vie. Ça forge le caractère, le mental, ça fait grandir et ça rend les personnes plus humaines, d’autant plus que ça se rapproche de la vie en général. Et puis on est tellement rien tout seul que tu n’y arrivera jamais si tu n’es pas capable de fédérer autour de toi et de rassembler les meilleures énergies des uns et des autres. Tous les gosses devraient faire du sport ! 

PS : Que penses-tu de la médiatisation du sport et en particulier du ski halfpipe ?

MM : Le problème de la médiatisation c’est qu’il va de pair avec les finances du sport. Les commentaires que je vois revenir souvent c’est : “Holala, on voit que du foot, on voit que du rugby. On aimerait tellement voir plus de ski ou d’autres sports alternatifs”. Malheureusement on est dans un marché où c’est l’économie qui dicte tout et quand le PSG achète un joueur comme Neymar, le simple fait de l’avoir acheté fait vendre des maillots. Donc c’est difficile d’inverser la vapeur et c’est compliqué de convaincre les chaînes de télé d’acheter les droits d’images pour diffuser du ski. C’est hyper compliqué. Il y en a qui le font mais c’est difficile. Par exemple, après les Jeux de Sotchi, je discutais avec un gars du journal L’Equipe qui me disais que s’il n’y avait pas du football, ils ont environ 30 % de vente en moins. Donc c’est comme ça. Après je suis ravie qu’il y ait quand même de plus en plus de chaînes à la télé et donc il y en a qui commencent à acheter les droits du ski freestyle, du BMX… Donc c’est chouette et ça montre qu’il y a un public. Alors moi j’essaie de faire vivre mon sport, de le promouvoir et de faire le job à mon niveau parce qu’au delà de ça je peux pas changer grand chose. 

PS : Une petite question concernant la suite de ta carrière. La boucle est définitivement bouclée en tant que sportive de haut niveau après les dernières étapes de la Coupe du Monde ? A 37 ans (oups… 37 – 4 à l’heure actuelle), les Jeux de Pékin te semblent trop loin en 2022 ? Peux-tu nous exposer tes projets ?

MM : (Rires) J’ai annoncé au début de l’hiver que ça serait ma dernière saison et ça restera ma dernière saison, c’est certain. J’ai envie de faire plein d’autres trucs. Et puis j’ai 37 ans – 4, ce qui est déjà bien assez. Je suis la doyenne du circuit depuis 2 ans et puis c’est un sport d’engagement, à risques quand même. On peut pas dire le contraire et je touche du bois (se touche la tête, sa table, cherche désespéramment quelque chose en bois ?) car je ne me suis pas trop trop blessée et il me reste une course à faire. J’espère que ça se terminera bien. Et puis il faut avoir conscience qu’on saute à 7 mètres de haut quand même donc j’ai tout donné pour essayer de rester de rester au niveau et maintenant je vais laisser ma place aux petites jeunes. J’irais commenter les prochains JO pour France Télé et ça sera très nickel !

PS : Donc tu garderas toujours un lien avec le milieu du sport ?

MM : Oui j’aimerais bien faire du commentaire sportif et puis je suis à fond dans événementiel aussi. Je suis déjà sur l’organisation d’un événement qui aura lieu à la Halle Olympique d’Albertville au mois de novembre. Ca va être une grande première avec du ski freestyle en indoor, c’est-à-dire dans la Halle Olympique. Et puis je pense qu’après ça il y aura pleins d’autres projets qui vont suivre mais ce n’est que dans les tuyaux.

L’INTERVIEW COMPLÈTE EN VIDÉO

Nous tenons à remercier Marie Martinod pour sa disponibilité, son extrême gentillesse et lui souhaitons plein de réussite dans ses projets futurs.

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